Hugo SABY

Une traversée de Saint-Denis

37 rue d’Ermont
19,5 x 15 x 2 cm

Devanture de garage
19,5 x 15 x 2 cm

Maison fragile
19,5 x 15 x 2 cm

Pierre tombale
19,5 x 15 x 2 cm

Passerelle vitrée
19,5 x 15 x 2 cm

Basilique 1
19,5 x 15 x 2 cm

Basilique 2
19,5 x 15 x 2 cm

Tas de pavés
19,5 x 15 x 2 cm

N°6 square Pierre de Geyter
19,5 x 15 x 2 cm

La rue d’Ermont se trouve dans un quartier où l’on réside mais où l’on ne s’attarde pas en extérieur. Les maisons nues n’invitent pas au voyeurisme. Regarder le sol est bien ce qu’il y a de plus intéressant à faire. Des pavés, du goudron, quelques mégots et on avance.
A l’angle de la rue d’Ermont et de la rue Clovis Hugues, une devanture de garage au toit en tôle fait face à une maison presque habitée. Un spectre y vit, on le voit souvent se glisser entre des planches de bois qui font la porte, des étais rouillés qui font les murs, et les poils sur ses joues rappellent un peu la vie. La clé est un fil de fer qui s’enroule autour d’un clou.
Si l’on s’approche un peu de cette maison, elle se met à grincer comme un chat qui feule à la vue d’un rival. Si l’on persiste, elle couine plus fort et il faut s’en écarter vite comme quand on marche sur des braises.
Elle finira par lui tomber dessus un jour c’est sûr, ce tas de palettes est moins solide que le verrou.
Plus loin, la grille du cimetière communal est ouverte. Pierre de Geyter, l’auteur de l’Internationale y séjourne et  bon nombre de passants se sont mis en quête de la tombe gravée d’un marteau et d’une faucille. Beaucoup encore, faute de ne pas la trouver, errent encore au beau milieu du cimetière à ne plus  savoir en sortir. Il en est un, en fuite dont l’œil  fut accroché par un marbre. Celui de la famille Loyer, avec l’inscription «  concession échue » timbrée dessus. Un rire lui échappait quand un homme passa à côté de lui avec seau et fleurs.

On coupe le passage des poulies puis celui des étuves pour se retrouver sous la passerelle vitrée qui relie la Mairie au Tribunal d’Instance. D’un même emplacement, on peut voir la Basilique et une partie du centre commercial.
A  gauche, on voit les usagers du métro  qui refont surface, attendus par les vendeurs de cigarettes  de contrefaçon,  eux-mêmes bousculés par des bras encombrés de sacs de courses. A droite, on imagine les gisants sculptés des rois de France, et le tibia unique de Louis XIV retrouvé dans la fosse commune.

Quelques pas plus tard, une poignée de révolutionnaires entasse les derniers pavés d’une rue qui borde la place. Ils disent refaire la chaussée, mais les badauds immobiles sont sceptiques. Ils  semblent  attendre qu’un artefact du XIIIème siècle passe la tête, car on se souvient des glorieux chantiers de fouilles.
Mais il n’y a pas d’objets, pas d’ossements. Il y a ce même homme autrefois en quête de marteau et de faucille qui s’éloigne en sifflotant son air d’International.
Deux ou trois minutes plus loin, il se retrouve devant le square portant prénom et nom du compositeur fétiche. Au centre, une statue de pierre usée ou mal taillée a remplacé celle de Vercingétorix en 1941. Pierre de Geyter ne verra jamais les hommes emmener la statue de bronze destinée à être fondue et coulée en armes de guerre.
Il ne verra pas non plus le vieil homme calabrais né peu de temps après sa mort, qui parlait au monde et qui déambulait toute sa journée du n°6 au n°2 du square de l’Internationale.

HUGO SABY